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mercredi 16 décembre 2015

Symphonie dernière


Sur le terrain en Guinée Equatoriale
Mon cher Ateba
Où trouver les mots pour arriver au bout de cette missive dernière ? A l’heure d’entamer en effet la dernière ligne droite de tes adieux, je suis transi d’une angoisse indescriptible. Voici donc que nous allons nous séparer de ton corps et de tout ce qui faisait ta singularité. En cette heure forcément grave, permets-moi de troubler ta quiétude, toi qui a d’autres chantiers en ce moment pour pouvoir t’installer dans ce monde que nous ne voyons certes pas, mais que nous percevons au quotidien, et avec qui nous interagissons, même par omission.
Mon cher Ateba,
L’heure n’est peut-être pas aux blagues, mais comment oublier cette faconde que ton culot avait souvent le malin plaisir à nous jeter à la face ? Oui du temps de nos humanités à l’ESSTIC, tu n’as jamais manqué d’affronter la vie intenable qui était la tienne avec cette joie de vivre si rare de nos jours. C’était il y a plus de dix ans maintenant mais qui peut dire que tu as laissé tout cela au placard de ta vie du fait des rigueurs professionnelles ? Mais avant d’en venir à cette deuxième vie que j’aurais, durant tout son long, observé de l’extérieur, permets-moi à nouveau d’arpenter les sentiers de notre mémoire commune pour en extirper les bons moments et la philosophie consécutive.
Notre dernière rencontre remonte à il y a tout juste quelques semaines. La précédente quant à elle a eu lieu dans un hôtel de Yaoundé où nous étions tous deux en bleu de chauffe pour nos rédactions respectives. Toi tu suivais l’inlassable feuilleton des primes de nos sportives que le gouvernement tardait à régler, sans doute échaudé et malheureux des performances plus qu’honorables de nos vaillantes Lionnes du basket, finalistes de la compétition continentale qui avait lieu sur notre sol et qui avait un peu réconcilié le public d’avec un sport qu’il avait été réduit à ne voir qu’à la télévision. Moi, je prenais part à la 5è édition de la conférence africaine sur l’économie créative piloté par la toute puissante association Arterial Network basé en Afrique du Sud. Nous avions alors profité d’une rencontre impromptue au hall de l’hôtel pour prendre de nos nouvelles respectives, commenter un peu l’actualité et surtout entamé une réflexion, avec nos confrères journalistes sportifs, sur le sort de l’AJSC, l’association des journalistes sportifs culturels du Cameroun.
Quelques semaines plus loin, je te hélai au lieu-dit Poste centrale à Yaoundé. En face de la CAMTEL où j’ai mes habitudes avec mes potes vendeurs de livres et magazines étalés à même le sol, la librairie par terre pour emprunter à une terminologie qui fit flores en son temps. J’y prenais une pause-échanges avec ces derniers lorsque je te vis venir de l’arrêt bus qui jouxte la tribune présidentielle du Boulevard du 20 mai. Tu me reconnus et de suite un sourire fit son apparition sur ton visage. Visage pas gai du tout, je dirais même triste. Tu avais une culotte de couleur beige et un tee-shirt dont j’ai oublié la couleur et qui t’enserrai rageusement le torse. Je n’eus guère le temps de prendre vraiment de tes nouvelles, heureux de te revoir. Déjà, je te présentais à mes amis en tes qualités de chef de rubrique au quotidien Le Jour. Cela pour mieux introduire un sujet qui me tenait à cœur : te permettre de te procurer à des prix incroyables ce qui peut paraître comme une bible pour les journalistes de ta trempe sous nos cieux à savoir le fameux quotidien français du sport et de l’automobile L’Equipe. D’ailleurs, tu achetas le numéro en cours qui datait du jour précédent. Sur ce, tu pris congé. Et moi je restais planté là, un peu surpris de cette séparation qui m’apparut brusque. Je ne savais pas alors que c’était notre dernière rencontre. Plus encore, j’étais à mille lieues d’imaginer qu’une sale maladie te rongeait déjà, bien que ton physique alors, et rétrospectivement, en avait déjà annoncé les prémisses.

A son bureau
Mon cher Ateba,
C’est dans la chaleur de Bafoussam que j’ai appris ton décès, qui me parut soudain, le dimanche 6 décembre. J’étais dans le car de transport de retour de Foumban, haut lieu de la culture. Des posts crépitaient dans mon téléphone portable et j’avais du mal à y croire. J’étais alors épuisé par trois jours d’atelier avec le choc des rencontres qui en est le corollaire. Atelier que la Cameroon Art Critics (CAMAC), que je préside depuis cinq ans, avait organisé au centre d’art contemporain Bandjoun Station avec le partenariat du Goethe Institut Kamerun. Je fus saisi d’un sentiment difficile à décrire, à chemin entre la surprise et la peine. Une douleur me traversa sur le chemin de retour à Bandjoun Station où j’avais encore une nuit à passer. La nuit durant, je cherchai en vain le sommeil, taraudé par une douleur intenable. Au petit matin, il fallait pourtant continuer mon programme avec une visite à Dschang où des rendez-vous m’attendaient, puis à Bafoussam où la famille me souhaitait depuis un bon moment. Les jours suivants allaient accroître cette peine avec des coups de fil de la famille que nous avions commencé à constituer à l’ESSTIC avec des noms comme Beaugas-orain Djoyum, Manyanye Paul Ikome, Assongmo Necdem, Stève Libam, Michèle Wandji Ngosso, Patricia Ngo Ngouem ou Muriel Edjo Bidjo. A chaque fois, on s’étonnait de ce départ subit. Moi un peu moins, parce que j’avais croisé ton patron quelques jours plutôt à une réception à Yaoundé consécutive à la soutenance de thèse d’un frère qui jadis fut ton collègue. Il m’avait alors narré avec une verve mâtinée de commisération la situation qui était la tienne, toi qui avais été comme embastillé par ta famille nucléaire. Il ne manqua pas de s’étonner de pareille situation avant de lâcher qu’il ferait tout son possible pour te permettre de vivre à nouveau. Nous nous séparâmes au bout de la nuit avec pour moi le sentiment que ces paroles entreraient en action pour te sauver la mise. Hélas !

Mon cher Ateba,
Te souviens-tu de notre compagnonnage à l’ESSTIC ? Moi je me souviens de quelques moments forts et donc inoubliables. Comment ne pas inaugurer ce chapitre par le courage qui était le tien dans ta posture professionnelle ? Oui, je me souviens de cette aventure de Campus Plus, le magazine que nous réalisâmes en 3è année pour le compte de l’ESSTIC et pour lequel tu te chargeas de faire un reportage sur les veillées dans les familles les soirs de Champion’s League européenne. Ou encore de cette interview de Joseph-Antoine Bell que tu promis avant d’aller cueillir à Douala pour le compte de l’émission Médias d’Afrique alors animé par notre compatriote Alain Foka à Radio France International. On était alors en 2007 et RFI avait décidé de lancer ses programmes depuis notre campus et nous devions, contrairement à ce qui fut écrit à l’époque, imaginer et produire des contenus de notre cru. Ce fut un exercice, rétrospectivement, de haute valeur journalistique, au grand dam de nos propres enseignants qui ne vendaient pas cher notre peau ! Tu apportas donc du tien pour ce programme dont la thématique surfait sur les vagues de la sorcellerie dans les milieux du foot au Cameroun.
Mais avant la 3è année et ces faits d’armes de jeune reporter sportif, tu nous avais donné à voir l’étendue de tes capacités. Avec le recul, je n’arrive pas à réaliser comment je pus laisser le soin à d’autres de te coiffer d’un sobriquet alors que j’avais auparavant fait mes preuves envers d’autres camarades (n’est-ce pas sénateur Tjombé, Miss Gombo, Miss Mfou, Miss Akeuk, Thatcher ou Sir Ikomè ?). Avec toi pourtant, j’eus rapidement des atomes crochus du fait de ton penchant pour la culture (le surnom de L’artiste l’atteste d’ailleurs). Tu me révélais alors que Georges Minyem était ton oncle. On en profita à certaines pauses pour également évoquer la FM 105 où avait travaillé l’un des tiens, Corneille Minyem pour ne pas le citer. Evidemment, nous parlâmes de foot tout au long des trois années. Occasion où tu mis à rude épreuve ma connaissance de ce sport qui une décade plus tôt, et pendant plusieurs années, fût ma tasse de bouillie, avec pour pic le Mondial états-unien de 1994 où je risquais mon bacc en suivant jusque tard dans la nuit les retransmissions des matchs des Lions.

Dans le combat pour un journalisme plus respecté
Mon cher Ateba,
Durant ces années, je fus marqué par ton élégance avec ces chemises à ras-le corps assorties de cravates flamboyantes ; de ces jaquettes en coton avec ce feutre tout aussi sombre sur la tête ; ou encore ces costumes quatre pièces que tu avais le chic de mettre certains jours pour prendre à contrepied ceux de tes admirateurs qui appréciaient tes culottes et pantalons jeans près du corps. Tout le long, tu nous inondas de cette bonne humeur aux antipodes de la situation difficile qui était alors la tienne. Une sorte de stoïcisme salvateur qui allait, couplé à ta détermination, te permettre de terminer ce premier cycle de l’ESSTIC d’un trait. Comment ne pas évoquer aussi ton impertinence, qualité première de notre métier s’il en est, vis-à-vis même de nos enseignants ? Je me souviens de cette causerie en 1ère année où tu me faisais savoir combien tu ne supportais pas que nos enseignants soient les premiers à faire la cour à nos camarades filles. Non parce que tu y voyais une quelconque concurrence, mais parce que tu estimais la différence d’âge énorme. Et tu ne manquais pas de le faire savoir à ta manière, soulevant au passage l’ire de quelque enseignant-soupirant !
De ces années, mon regret le plus grand aura été de ne pas trouver suffisamment d’arguments pour t’attirer dans la famille que nous avions pourtant commencé à mettre en place. Et pourtant, tu fus l’un des plus enthousiastes lorsqu’en 3è année, anticipant sur une éventuelle dispersion, on avait décidé de nous retrouver dans un cadre plus familial pour nous entraider. Tout en cherchant les idées pour mieux faire le métier qu’on avait aimé et appris. Je me souviens encore de cette soirée où tu nous menas jusqu’à l’une de tes connaissances au quartier Manguiers à la rencontre d’un informaticien qui allait nous aider pour notre site internet. Ou encore de cette journée que nous passâmes chez toi à Anguissa où tu nous promis une pièce pour installer nos futurs bureaux. Aujourd’hui, je pense que si cette relation s’était poursuivie normalement, peut-être que ton destin aurait pu être autre. Plus d’une fois dans le cadre de nos retrouvailles en famille, j’ai déploré ton absence tout comme celle de la sœur Agnès Sylvienne Andzama. Et plus d’une fois, j’ai essayé de te ramener, avec un insuccès qui résonnera toujours dans ma mémoire comme une créance impayable.

Mon cher Ateba,
A l’heure de te dire au-revoir donc, je me rappelle de toutes ces images et de ces leçons de courage. Un dernier élément cependant : ton rire dont l’éclat, ou le sanglot c’est selon, portait une charge violente certes, mais significative de la dureté que la vie ici-bas avait réservé pour toi. Le temps est donc venu alors que tu entreprends ce voyage avant nous de connaître l’autre face de cette dualité. Puisses-tu, mon cher Ateba, connaître encore plus de joie et irradier de ta présence joyeuse nos quotidiens plus souvent fades au moment même où la nécessité de sauver la planète physique s’impose. Cela nous sera d’autant plus important que nous avons, tous de la promo, un sort à conjurer : la fatidique date du 06 qui nous a déjà pris, souviens-t’en, Lize Mireille Yango. C’était en septembre 2006. Bien vouloir, ultime supplique, lui transmettre nos salutations de terriens qui n’oublient pas qu’en 2004 naissait une autre famille à laquelle nous n’avons plus le droit de tourner le dos. Au-revoir mon cher Ulrich Fabrice Ateba Biwolé !

Parfait Tabapsi, condisciple, rédacteur en chef du magazine Mosaïques 

dimanche 9 mars 2014

Chapitre six: peur, fatigue et liesse

Cheick Tidiane Seck.
Carnet de route à Abidjan

Moi poule mouillée ? Peut-être. Hier, je suis rentré plus tôt à l’hôtel. C’était dans les coups de 23h et alors que le héros du soir Alpha Blondy n’avait pas encore monté sur scène. La faute à une sorte de paranoïa qui s’est installée en moi à la vue du dispositif sécuritaire auquel cette dernière soirée avait donné lieu. Les policiers avaient en effet investi l’esplanade du Palais de la culture. S’y trouvaient également les gars de l’armée, tous armés de fusils bien en évidence. Alors j’ai pris peur alors que mon métier m’enseigne le contraire. Mais comment faire autrement quand toute la semaine durant j’ai bien observé que la paix des cœurs n’était pas encore la chose la mieux partagée ici ?
Mais avant de rentrer, j’ai vu nombre d’artistes de talent. A commencer par le doyen Cheick Tidiane Seck et son groupe. Après avoir regardé et écouté nombre de ses prestations, dont le dernier lors du concert de son ami Manu Dibango à Würzburg en RFA l’année dernière, j’ai savouré les trois thèmes qu’il a proposés. Son jeu de piano et son adaptation aux écritures musicales contemporaines ne m’ont certes pas surpris, mais de le voir là en vrai m’a plu. Journée de la femme oblige, elles étaient nombreuses les chanteuses africaines à défiler sur les deux scènes apprêtées pour cette clôture. Qu’il s’agisse de la Burkinabé Steelbee ou de la Malienne Miriam Koné, toutes ont assuré. Tout comme Saintrick qui a essayé avec quelque succès de mettre le feu. Pour cette première partie de la soirée, un groupe venu du Maroc a partagé la musique gnawa avec le public avant d’en exécuter une variante très cadencée qui a soulevé les mélomanes qui avaient envahi cette esplanade finalement étroite.
Devant l'hôtel en chantier.
En sortant de cet espace, j’ai encore plus pris peur avec les échauffourées à l’entrée. Situation maîtrisée mais qui pouvait dégénérer à tout moment. De retour à l’hôtel, j’ai allumé la télé pour constater que le show était diffusé mais avec un léger différé. J’ai alors entamé la lecture de quelques articles du magazine Mosaïques en cours de production. Et lorsqu’Alpha Blondy est finalement apparu, j’étais si fatigué que j’ai pu à peine voir deux morceaux. J’ai eu le temps tout de même de voir qu’une liesse sans pareille avait pénétré les lieux. Ce qui finalement constituait pour moi la meilleure image de cette 8è édition qui aura apporté son grain de sel au processus de réconciliation d’un peuple qui a connu les affres d’une guerre dont il aurait pu se passer. Au diable si DJ Arafat, annoncé mais finalement absent, car le public a bien reçu les invités du soir et répondu massivement à l’occasion.

Avec Queen Etémé.
Fatigue
La journée d’hier, je l’ai passé pour l’essentiel à l’hôtel aux prises avec la fatigue. J’en ai profité pour régler quelques affaires courantes au pays et esquisser le rendu final de ce MASA dans les colonnes de Mosaïques. J’ai également reçu la visite d’un chercheur en littérature négro-africaine en la personne d’Adama Mansaké qui coordonne actuellement un ouvrage collectif sur Mongo Beti ici en Côte d’Ivoire et qui n’a pas manqué de me faire savoir que l’écrivain camerounais avait été un visionnaire comme l’attestent ses œuvres. Je suis allé ensuite au QG retirer mes frais de visa avec Monique. Elle en a profité pour se faire examiner par l’équipe médicale du festival. Avant d’aller au concert, j’ai croisé Queen Etémé en partance pour Grand Bassam où elle devait participer à un concert de jazz comme la soirée précédente. Un événement accolé lui aussi au MASA. Elle a déployé tous les trésors de persuasion pour m’amener à y aller. Sauf que je ne pouvais prendre le risque de sortir d’Abidjan sans informer le comité d’organisation. Une erreur fatale pour un journaliste étranger si jamais survient un quelconque pétrin ou pépin.
J’ai fait un tour avant la fermeture au marché de Treichville pour acheter quelques souvenirs pour ma famille. J’y ai croisé un Mandingue de bon cœur qui a comblé mes attentes vu mes ressources financières.

A demain !

samedi 8 mars 2014

Chapitre cinq: escapade à Adzopé

Carnet de route à Abidjan
Une séance de matango à Adzopé.
Décidément, il ne va pas se passer un jour sans que je ne rentre tard et fatigué à mon hôtel. Hier, je suis allé au lit passé 2h du mat. La faute au mal d’oreille persistant de Monique, amie et consoeur du quotidien Mutations. Quelques instants en effet avant le coucher, elle m’a envoyé un sms alarmant et nous sommes partis à la recherche de la pharmacie de garde la plus proche. Que nous avons trouvé à quelques 500m, non sans dompter la peur d’être agressé par les saigneurs de la nuit. Nous avons été rassurés par une patrouille de civils installée au frontispice de l’hôtel. Dieu merci, il n’eût point d’escarmouche et nous avons pu dégotter un médicament qui lui a permis de passer la nuit.
Mais avant cet épisode, quelle journée ! Sorti de l’hôtel autour de 10h, je suis allé porter personnellement ma requête en vue de me faire rembourser les frais de visas et autres transport auprès de la chargé de com’ Chantal Nabalema. Qui m’a reçu avec sourire avant de me promettre de décanter la situation en journée. Elle m’a également remis mes tickets resto pour le restant de mon séjour. Après quoi un certain Luc Hervé qui travaille dans l’organisation m’a proposé le voyage sur Adzopé, à 80 km, où se délocalise le MASA. Ce que j’ai accepté avec empressement, vu que voir du pays, c’est l’un de mes vœux à chaque voyage de presse.
Durant le trajet, j’ai vu un pays paisible et des visages plus avenants. Pas de barrages policiers à vous faire chier comme au Cameroun ; pas de payage non plus, quoi qu’il m’a été dit qu’il y en aura bientôt. En regardant par-dessus la vitre de la voiture les plantations de cacaoyer, je n’ai pu m’empêcher de penser à mon enfance. Quand je détestais souvent aller aux champs avant de m’y résoudre sous la menace de grand-père qui savait aussi, et je dois l’en remercier, me ménager. En voyant ces champs, j’ai imaginé le sens du labeur qui devait être celui des populations qui ont fait de ce pays l’un des premiers producteurs de la fameuse fève au monde.
Le jongleur Cassio.
Nous sommes finalement arrivés à Adzopé en début d’après-midi où nous avons été accueillis par le service d’intendance de la résidence du ministre des Infrastructures Patrik Achi. A la place de l’escargot que je rêvais de manger ici, je me suis contenté du poulet. Nous sommes ensuite, avec d’autres confrères ivoiriens, partis sur le site en plein air de l’événement. Où d’entrée nous avons assisté à un concours du meilleur élève dragueur. Ce qui m’a amusé et conforté à la fois. Car ces gamins ont démontré que l’imagination était une compagne accessible après tout ce qu’ils ont connu. Les musiciens pouvaient alors prendre d’assaut le podium. Non sans que deux conteurs –l’un du pays Atié et l’autre du Niger- aient vanté leur savoir conter. Le jongleur Cassio qui avait voyagé avec nous a également fait une démonstration tout en finesse et en maîtrise qui a ravi le public, moi aussi. Alors qu’un groupe congolais, Lexxus a commencé à nous entraîner vers les territoires du soukouss, voilà que le ministre Achi prenait congé. Nous attirant du même coup. A sa résidence, il s’ouvrit à nos micros et caméras de bon cœur. Pour nous dire combien cette région portait en son sein l’art et la musique que son destin de politicien et de mécène culturel condamnait à accompagner. Et ce quel qu’en fût le prix. Dans ses propos et ses yeux, je lus une détermination de travailler à faire passer à la postérité artistique cette région qu’on dit engendreuse de talents culturels mais qui ont toujours eu du mal à traverser les frontières nationales.
Le groupe kényan.
On attend Meiway
Je suis sorti de cet entretien avec le sentiment qu’il y avait tant à faire pour que la culture, notamment la musique ivoirienne, la vraie, celle qui exhale les senteurs des villages et campagnes, irradie au-delà de la capitale Abidjan. Nous pouvions alors repartir au théâtre des concerts où le groupe Winyo Gikalo du Kenya prolongeait un peu le soukouss de lexxus, avec bien sûr une coloration plus nuancée, quoique le jeu du soliste ne laissait planer aucun doute sur la ligne rythmique saccadé par moments, soyeuse à d’autres. Vers 20h30, il fallait hélas reprendre la route. Pour 90 min de voyage tranquille, sauf à l’entrée d’Abidjan où un accident a dévié le trajet.
Au village du MASA, le défilé de mode était à la fin. Au grand dam de Monique qui voulait le voir. Moi j’ai foncé me restaurer, attendant le passage annoncé de Meiway. Qui allait tarder. A tel point que pris de fatigue, je dus rentrer plus tôt. Manquant ainsi ce moment qui avait attiré tant de monde. Une fois dans ma chambre qui fait face à l’esplanade du Palais de la culture où ont lieux les concerts en plein air, j’ai entendu les clameurs et les sonorités du chanteur originaire d’Appolo, c’est une ethnie ici. Et pour ne pas voir des problèmes à trouver le sommeil, j’ai ouvert mon ordinateur et me suis laissé bercer par le magnifique album «Talking Timbucktu» du magnifique Ali Farka Touré en compagnie du guitariste américain Ray Corder.

A demain !

vendredi 7 mars 2014

Chapitre quatre: gloires d’antan

Carnet de route à Abidjan

Le groupe de papys maliens Super Biton.
C’est avec les sonorités bienveillantes du crooner Bailly Spinto que je me suis endormi ce matin vers 1h. De voir ce papy se déhancher sur la scène du village du festival sis à l’espace lagunaire m’a fait plaisir. Surtout que sa voix n’a pas pris de ride, tout autant que ses mouvements de scène. Son costume bleu pétrole bien mis, ses lunettes de soleil et son couvre-chef penché sur son bord droit lui donnaient une allure d’éternel adolescent. Sa voix de baryton m’a transporté dans l’univers ivoirien où les consonances imbibées des cultures musicales d’Afrique ont dans le passé pris racine et parfumé les compositions de céans. C’est du moins le sentiment qui a été le mien en écoutant ces anciennes gloires d’ici que les organisateurs du MASA ont souhaité mettre en relief. Pour le plus plaisir des fans. Qui ont chanté avec leurs artistes à en perdre la voix tout en se trémoussant pour le plus grand bonheur de ces étoiles dont les radiations jusque-là semblaient s’être éteintes pour toujours. Et ce n’est pas Daouda Koné dit «Le sentimental» qui pensera le contraire ; lui dont les trois chansons du soir ont été reprises presqu’au pied de la lettre par un public conquis et joyeux.
Hier au village, j’ai enfin vu des Ivoiriens vraiment heureux. Passé les doutes des premiers jours également, la mayonnaise du festival est en train de prendre tout doucement. Attirant toujours plus de foule au village. Hier elle était très imposante comparée aux soirs précédents. Etait-ce dû au passage de la première dame Dominique Ouattara ? Question sans doute domestique mais pas bête.
Hier après-midi, j’ai assisté dans l’amphithéâtre de la bourse du travail inauguré en 1971 au spectacle de danse de Simon Abé. Une proposition artistique qui a glacé plus d’un et donné à réfléchir sur le continent par ces temps de guerre tous azimuts çà et là. Avec Jusqu’à quand ? en effet, le danseur a osé la question de l’identité africaine en cette ère de mondialisation. Allons-nous continuer à être la parfaite marionnette de ces empereurs des temps modernes qui nous vendent l’ouverture à l’autre pour mieux nous détruire, ou à tout le moins détruire la part humaine distinctive qui est en nous ? Question philosophique certes mais capitale, surtout en ce pays qui court après une réconciliation qui multiplie les ruses pour le fuir. L’anomie qui semble avoir fait son lit sur le continent horripile tant le danseur qu’il a convoqué dans son parcours chorégraphique des images des leaders politiques d’hier qui ont tant travaillé pour que l’Afrique reste debout avant d’être sacrifiés par leurs propres frères soutenus par qui on sait. Avec pour résultat le chaos qui semble se prolonger au fil des années. En sortant de la salle, je me suis mis à psalmodier des mots de courage, un peu dans le genre que convoqua jadis Stallone dans le personnage de Rocky lors de la bataille avec Dolph Lundgreen dans un des épisodes de cette saga américaine qui n’a jamais quitté ma mémoire. En 45 min, Abé a frappé les esprits et les chœurs du public présent par une proposition à la fois simple et profonde.

Avec Were Were et Michel Ndoh.
Infrastructures
Hier, j’ai croisé Were Were Liking à nouveau dans le village. De la voir ainsi sollicité par des gens de tout âge m’a ému. Elle a accepté de partager notre table et a pu finir son assiette malgré les sollicitations à n’en plus finir. Elle nous a invités à son spectacle dans une commune que nous ne connaissons pas et j’ai été obligé poliment de décliner cette invitation du fait des poches vides, l’organisation n’ayant pas songé à nous proposer de faire le tour de la dizaine d’autres scènes parsemées dans la capitale. Ce qui est bien regrettable. Parlant de scène justement, celle que j’ai vu la veille à Cocody m’a fait penser au Cameroun. Surtout en cette heure où le ministère de la Culture a choisi d’acheter du matériel de sonorisation alors même qu’il n’y a pratiquement pas de scène dans le pays, excepté peut-être le palais des congrès de Yaoundé. De voir une commune disposer d’une scène ouverte démontable de ce niveau parlait plus que tous les discours sur l’investissement dans la culture par l’Etat.
Hier j’ai croisé le journaliste-écrivain Venance Konan dans le hall de notre hôtel. Accompagné d’un garde du corps, le directeur du quotidien gouvernemental que je suis allé saluer m’a un peu fait pitié. De le voir ici en attente d’un journaliste de RFI alors même qu’il a tout un bureau ne me semble pas correct. Quand allons-nous continuer à nous laisser huilier de la sorte ? Imagine-t-on le directeur du Monde allant à la rencontre du même Konan dans un hôtel parisien ? Si au moins il s’agissait de son homologue parisien, c’eût été compréhensible. Mais bon…

A demain ! 

jeudi 6 mars 2014

Chapitre trois: merci Michel Ndoh

Carnet de route

Rencontres professionnelles au CCF.
L’Afrique fourmille de projets aussi inventifs les uns que les autres. Hier au Centre culturel français d’Abidjan (CCF), leurs porteurs les ont présentés dans le cadre de la bourse des projets du MASA. Autour du promoteur des Récréâtrales Etienne Minoungou qui faisait office de modérateur, ils sont venus de tous les coins du continent pour échanger avec le public d’artistes, d’expert et de curieux. Avec en ligne de mire le désir affirmé de «créer des liens et provoquer des intéressements», comme n’a pas manqué de le répéter Minoungou dont la tâche a été facilité par le respect du timing des orateurs qui ont aussi pris le temps de répondre aux questions dans la foulée avant de continuer les échanges en off.
Parmi les panélistes du jour, il y en avait qui provenaient des institutions internationales, des Etats et bien sûr du secteur privé. Et même si la conjoncture économique et sociale a souvent constitué une pesanteur lancinante, de les voir ici a démontré par l’exemple que l’Afrique créative n’était pas morte et que l’avenir n’est pas forcément sombre. Au cours des échanges, d’aucuns en ont profité pour rectifier leurs orientations ou pour les affiner. Pour ma part, je suis reparti la tête bourdonnante, mais heureux. Surtout qu’au Congo se prépare, à en croire le directeur des arts et de la culture de ce pays-là, un gigantesque projet de soutien à la créativité au travers de la mise sur pied d’une cité de la musique ainsi que du soutien aux initiatives privées comme le festival Mantina sur scène du metteur en scène Dieudonné Niangouna qui a récemment fait mouche au festival de théâtre d’Avignon avec son spectacle de cinq heures intitulé Schéda. Un projet qui pourrait inspirer le Cameroun voisin
A la fin des échanges, je me suis entretenu avec quelques experts avant de prendre la direction du village du festival en compagnie de ma célèbre compatriote Were Were Liking auprès de qui m’avait introduit quelques temps plus tôt le grand frère Michel Ndoh, ancien manager à l’espace Ki-yi et actuellement président de l’association Sandja au Cameroun où il milite pour une plus grande résonance et prise en considération des arts. Avec lui, je suis d’ailleurs fortement impliqué dans les activités du REPAC qui porte le festival Le Kolatier dont le dernier exercice a été plus que concluant en novembre dernier à Yaoundé.
Au village, nous avons pris notre déjeuner avant de prendre la direction de Rivera II dans le quartier de Cocody. Là-bas, j’ai découvert –enfin !- le village Ki-Yi Mbock. Que j’ai visité avec une gourmandise certaine, accompagné que j’étais par la reine mère en personne. J’y ai vu un petit musée où les tableaux de Were Were côtoyaient les sculptures provenant de différents pays d’Afrique. J’y ai vu une salle de spectacle d’une profondeur et d’une hauteur répondant aux normes internationale, avec une capacité de 250 places environ réparties sur un orchestre et un balcon. Les résidences d’artistes n’étaient pas en reste. Tout comme le petit amphi qui sert aux répétitions et autres créations. Puis, je me suis entretenu avec la maîtresse de céans qui, bien que devant jouer dans moins de deux heures, a accepté de me parler de cette initiative qui a pu défier une guerre terrible dix ans durant avant de songer à un nouveau départ avec pour locomotive la célébration de son trentenaire cette année.

Reines mères et spiritualité
Le hasard du calendrier aidant, j’ai foncé vers l’ancienne mairie du quartier une fois le visionnage d’une vidéo sur l’œuvre de la Fondation Ki-Yi terminée. Où les spectacles au programme ont pris du retard à l’allumage. Vers 22h, les reines mères (Were Were Liking et Nserel Njock) ont pu enfin monter sur la scène. Pour un show musical à couper le souffle. Où l’assiko camerounais répondait en écho au ziglibiti ivoirien avant de céder la place à la fusion et uu jazz. Pour moi qui voyait were Were sur scène pour la première fois, ce fut à la fois un émerveillement et un régal. Elle dont la musique et le chant transpirent un magnétisme et une spiritualité qui vous transportent dans une Afrique traditionnelle dont le parfum n’irradie que rarement jusqu’à la ville. Cerise sur le gâteau, les reines mères rappent et dansent comme personne, avec une énergie de jouvence, et sanglées dans un costume traditionnel sobre mais imposant. Oublié le poids de l’âge et les difficultés d’une vie parfois tumultueuse mais toujours exaltante. Un moment de pur bonheur pour moi et un signe que décidément le Cameroun est une mère qui a toujours su engendrer des artistes variés et hors du commun.
Lorsque vers une heure du matin Tonton Michel nous a raccompagnés, Monique et moi, j’ai senti comme un appel de l’Afrique profonde à toujours poursuivre cette voie de donner voix aux arts africains, seuls capables de permettre au continent berceau de l’humanité de redorer un blason terni par des conjonctures inextricables et finalement fatales pour sa dignité et le rang qui devraient être les siens. En me levant ce matin, j’ai pris conscience de ce que la voix africaine ne doit jamais se taire. Et même si les couacs n’en finissent plus de se multiplier sur cette terre hospitalière, nos arts et notre culture continueront de constituer le ferment du salut mondial. En ce sens-là, que le MASA ait pu trouver les ressources de repartir ne peut que constituer une bonne chose. Certes l’allumage a eu du mal à prendre mais le plus important finalement n’est-il pas que cet esprit de l’expression artistique tous azimuts en ce lieu meurtri par la folie des hommes soit effective et contribue à ouvrir les yeux sur les possibilités nouvelles à ce pays où nombre d’artistes continentaux ont affiné leurs armes avant de prendre d’assaut la scène mondiale ? Question à un franc que chacun peut méditer.

A demain !

Chapitre deux : des couacs et du plaisir

carnet de route

Au centre de presse au QG du MASA.
Le MASA 2014 a-t-il eu les yeux plus gros que le ventre ? Dans cette question se retrouve sans doute la raison pour laquelle l’organisation a du mal à donner de sa pleine mesure. Hier au QG du festival, le chef d’orchestre de cette 8è salve, Yacouba Konaté, a donné une conférence de presse au cours de laquelle, j’ai été pour le moins étonné. D’entrée, il a fait savoir que l’heure et la date de ce rendez-vous médiatique lui avaient été communiquées seulement le matin même. Et encore, il avait été informé qu’il rencontrerait seulement les journalistes européens. A lui de répondre qu’il n’en était pas question, vu que d’autres nationalités médiatiques étaient présentes. C’est alors que le rendez-vous prévu à 11h a pris un peu plus deux heures de retard.
Avec une faconde qui n’est pas sans rappeler que M. Konaté est prof d’université, le patron du MASA a semblé maître de son événement, trouvant des explications aux premiers couacs survenus dès l’entame et qui continuent allègrement, tels des boutons d’acné sur un visage juvénile, de s’immiscer dans l’organisation. Des excuses, il en a trouvé dans le redémarrage difficile d’un événement à l’arrêt depuis sept ans. «Nous sommes dans la posture de quelqu’un qui tente de faire avancer une voiture qui a été stationnée pendant longtemps», a-t-il plaidé avant d’ajouter que «arriver déjà à faire cette édition était le premier défi à relever». Mais pourquoi fallait-il pardi commencer fort là où une petite foulée aurait suffi avant un grand retour dans deux ans ? En tout cas, beaucoup de confrères non-ivoiriens se sont posé cette question simple.

Lors de la conférence de presse.
D’autres arguments versés au dossier par M. Konaté, s’ils ont eu le mérite de la vérité, n’ont pas convaincu. Ils m’ont plutôt conforté dans l’idée que cette 8è avait d’abord une raison politique pour un gouvernement que nombre d’Ivoiriens, ce n’est pas nouveau, ne portent pas dans leur cœur. D’où la forte charge politique qui sous-tend la tenue du MASA 2014 et qui ne facilite pas la participation populaire escomptée. Surtout que de l’aveu même de son patron, au moins une année aurait été nécessaire pour le préparer, surtout si l’on prend en compte qu’une certaine «faim de fête» plane sur les bords de la lagune. Avec plus de temps, il pense qu’il aurait pu régler les problèmes de retards de vol, de cachets conséquents ; de trouver le moyen d’attirer plus de publics pour la danse et le théâtre, etc.
Entre 11 et 13h, je me suis promené dans le quartier du siège du MASA. Où j’ai échangé avec certains riverains. J’y ai constaté que la joie de vivre n’était pas au rendez-vous, que les visages étaient encore fermés pour la plupart, que le ciel belliqueux n’avait pas encore cédé place au ciel pacifique et ensoleillé. J’en ai déduit, conclusion provisoire certes, que les dieux de la guerre n’étaient pas suffisamment éloignés et que le qui-vive était de rigueur.

J’ai enfin pu mettre un visage sur le nom de Chantal Nabalema, la préposée à la com de d’un événement qui semble lui échapper. Avec qui je n’ai pas beaucoup échangé malheureusement. Elle m’a juste remis deux tickets resto, précieux sésame pour l’invité que je suis, avant de me promettre un kit presse qui a décidément le don de se faire désirer. Et j’ai rempli une fiche de réclamation que je lui ai remise par l’entremise de Francesca Mbaye, la consoeur sénégalaise qui, devant l’inefficacité de l’organisation dont souffre les médias, a repris les choses en main. Nous sommes ensuite partis nous restaurer au village du festival. Où j’ai croisé mon compatriote Ambroise Mbia, le président des Rencontres théâtrales internationales de Yaoundé (RETIC) qui m’a dit animer un atelier dans le cadre du MASA où son expertise est souvent convoquée depuis ses débuts.
J’y ai recroisé elvis Bvouma (administrateur), Simon Abé (danseur) et Giscard Téné (technicien) de la compagnie Simon Abé ; les humoristes Abouna Guanzong et Fils Basseck (compagnie Noctiluk) qui m’ont invité à leur spectacle à 17h30. La compagnie de Guilili devant quant à elle jouer à 19h au CCF. Avant la prestation du chanteur Blick Bassy plus tard sur la scène de l’espace lagunaire du Palais de la culture.

Blick on stage.
Et du plaisir
Je suis rentré à l’hôtel me reposer en espérant pouvoir tenir au moins deux engagements. Sauf qu’à mon réveil 90 min plus loin, le car des journalistes n’était pas disponible. La vache ! Je ne suis finalement arrivé au village du festival que quelques minutes avant le passage de Blick. Manquant ainsi les autres spectacles de mes compatriotes. Pour ce qui est de la soirée, mon coup de cœur est allé au groupe de papys malien Super Bitton qui m’ont rappelé un autre groupe de papys, mais sénégalais celui-là : Orchestra Baobab ! Composé de trois chanteurs, deux guitaristes, un bassiste, un batteur et un percussionniste, le groupe m’a émerveillé avec des compositions salsériques et un jeu épuré. Dommage qu’ils n’aient pas eu plus de temps. Blick quant à lui a défendu avec courage le Cameroun, et ce même si personnellement je n’apprécie pas son registre. Je pensais que la scène m’aiderait à changer d’avis, mais ce ne fût guère le cas. La faute peut-être à ces synthés convoqués pour remplacer basse et chœurs. Je lui ai tout de même fait une interview pour mesurer la suite de son histoire artistique.
Le Guinéen Petit Kandia, que j’avais croisé à Yaoundé en marge du SIMA 2013 a fait, lui, forte impression avec ses compositions très festives. Le public a salué son passage de la plus belle des manières en se laissant aller au chant et à la danse. Nous sommes retournés à l’hôtel dans les coups de minuit.

A demain !

mardi 4 mars 2014

Abidjan serré

carnet de route

En discussion avec Yamguen au Village.
Chapitre un
Premières sensations
Je suis finalement arrivé à Abidjan hier en début d’après-midi. Avec quelques heures de retard et pour participer à la 8è édition du MASA –Marché des arts du spectacle africain- qui a commencé samedi 1er mars. Je suis descendu au Grand hôtel au quartier Plateau. Une enseigne qui a perdu de son aura et que la nouvelle gestion tente de rattraper avec une rénovation dont le côté visible est cette réfection qui fait de l’hôtel de cinq étages un chantier à ciel ouvert.
Si dans la presse j’ai vu mentionnée la mauvaise organisation, je puis témoigner par moi-même que sur ce point-là, le MASA n’a pas démarré fort. Voyez donc. A l’aéroport, je suis tombé nez-à-nez à la sortie de l’aéronef d’Air Côte d’Ivoire avec l’ambassadeur du pays des éléphants à Yaoundé. Qui, lui, attendait des invités camerounais pour la commission mixte dont la réhabilitation effective plus de quatre décennies après sa création et la rencontre de Yaoundé, se tient depuis ce matin. Néanmoins, nous avons été, avec ma consoeur Monique Ngo Mayag de Mutations, entraîné vers le Pavillon d’honneur. Où à la place des petits fours nous avons eu droit à un abandon en règle par une préposée à l’accueil des invités du festival. C’est du moins ce qu’elle nous a dit. Inquiets de perdre nos bagages de soute, nous sommes sortis du Pavillon pour aller les récupérer. Avant de croiser d’autres envoyés du MASA, badge en évidence, qui nous ont permis de remplir les formalités de sortie de l’aéroport.
Sur la route vers l’hôtel, j’ai pas eu le temps de contempler le paysage. Gagné un peu par la fatigue, j’ai somnolé une partie du trajet. J’ai tout de même aperçu des drapeaux marocains et ivoiriens des deux côtés de l'avenue, signe que Mohamed VI avait été bien accueilli depuis son arrivée. Je n’ai pu alors chasser de ma tête les relations tâchées de suspicion entre Houphouët-Boigny et Hassan II dans un passé qui commence à bien s’éloigner.
Une fois au Grand hôtel, Monique et moi avons été abandonné à nous-mêmes. Je suis monté dans ma chambre et n’ai pu trouver le sommeil malgré la fatigue. Je suis alors descendu au hall au bout d’une heure regarder mes méls et régler quelques affaires courantes au pays. J’y ai croisé des confrères et consoeurs d’Afrique. Notamment Fatou Kiné de Dakar que les Journées cinématographiques de Carthage m’avaient permis de connaître en novembre 2012. Allassane Cissoko par contre, je le connaissais que de réputation ; lui qui coordonne le JOCAR –Journalistes culturels africains en réseau. Il s’est montré très sympathique et m’a de suite permis de dégoter mon premier rendez-vous professionnel du MASA. C’est ainsi que j’ai pu en début de soirée interviewer le SG du Dak’art 2014, Babacar Diop Mbaye qui s’est montré très affable sur un événement attendu en mai et juin prochains et où la curatrice camerounaise Elise Atangana sera en pleine lumière aux côtés d’artistes compatriotes.

Noumoucounda Cissoko.
Sourire malgré tout
Le bus qui nous avait transporté jusqu’au lieu du rendez-vous avec M. Mbaye nous a abandonné sans crier gare. A près de 22h, fallait donc nous débrouiller pour partir de Ivotel au village du MASA. Et là Alassane Cissé a été d’un précieux recours. Dans mon ventre, les intestins avaient commencé cette danse qui vous tient en haleine et annihile toute envie de travailler. Eux qui ne s’étaient contenté jusque-là que d’un petit déj offert durant le vol qui a transité par Cotonou. Une fois au village, nous avons foncé au réfectoire, la faim aux talons. Où Alassane nous a gracieusement offert des tickets bien utiles pour la cause. Pendant que l’équipe du MASA se terrait nous ne savons où. Après un repas copieux et une bonne bière, j’étais d’attaque pour mettre mes sens en mouvement comme il se doit pour tout reporter en couverture.
Si la scène avait commencé à cracher les artistes, moi j’attendais particulièrement le passage du Sénégalais Noumouncounda Cissoko. Et dans l’espace, j’ai croisé le poète et plasticien Hervé Yamguen qui m’a appris être en exposition pas loin depuis le 21 février et après une résidence de quelques semaines. Une date qui m’a rappelé que son compère Pascale Marthine Tayou poursuivait son expérimentation des colons également dans cette ville d’Abidjan, à la galerie de Cécile Fakhoury. Un patronyme qui n’est pas inconnu aux yeux de ceux qui s’intéressent à la Françafrique. Faudrait que j’aille voir ces deux expos d’ici à mon retour !
J’ai également croisé le conteur réputé Binda Ngazolo grâce à Yamguen. On a échangé et promis de nous revoir. Mais la vraie surprise pour moi aura été de croiser le Burkinabé Etienne Minoungou, le cerveau des Récréâtrales, avec qui nous avons entamé une discussion philosophique sur le devenir du continent, et qui fait partie de l’équipe du MASA.
Entre les deux rencontres, j’ai eu droit à la performance, c’est le cas de dire, de Noumoucounda. Qui a électrisé le public avec un jeu de kora très éruptif, accompagné d’une ligne mélodique basé sur les cordes modernes et qui empruntait aussi bien au rock, au jazz qu’au rap. Une prestation ponctuée par des ruptures en cascades que le jeune musicien semble aimer et qui souvent hachait les thèmes pourtant bien maîtrisés. Il ne m’a pas semblé différent de celui que j’avais croisé en marge du 1er Salon international de la musique africaine –SIMA- tenu en marge du Kolatier en novembre passé à Yaoundé. Je ne me suis pas privé de me laisser aller et d’esquisser quelques pas de danse, emporté par ce musicien qui a encore beaucoup de possibilités artistique à sa kora.
Djarabikan Balafon. 
Ce qui est également le cas du jeune groupe abidjanais Djarabikan Balafon composé de trois balafonistes et deux percussionnistes. Avec des reprises des classiques africains d’hier et d’aujourd’hui, ils ont montré une dextérité magnifique ainsi qu’une maîtrise scénique salutaire. Reste que leurs exécutions ont par moment semblé rapides et émotifs là où ils devaient, à mon sens, être un peu plus sérieux et réfléchir à avoir un rapport à l’instrument tout en considération. Vu qu’ils utilisent des instruments qui convoquent plus que le visible, mais bon ce n’est que mon idée, que j’ai d’ailleurs partagé avec certains d’entre eux. En les voyant, j’ai pensé à l’ami et frère Marcel Kemadjou qui aime tant les musiques non saturées d’instruments dits modernes. Et comme il n’y avait pas encore d’album du groupe, je ne pourrais partager avec lui que des émotions que le concert a titillées en moi.
Au village, j’ai croisé enfin le confrère ivoirien Aboubacar Yeo Mba qui a œuvré dans l’ombre afin que je sois du rendez-vous. On a peu échangé mais vu que je suis avec lui dans l’équipe qui produit le gratuit du festival, inséré dans le quotidien gouvernemental Fraternité Matin, on est parti pour des virées professionnelles dans cet Abidjan qui m’est apparu ce premier jour un peu triste. Les nombreux bâtiments et infrastructures routières semblant manquer de cette chaleur qui donne aux villes africaines leur particularité. Je verrai si les jours qui viennent me feront changer d’avis.
A demain !

P.T.